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Le succès de CRISPR dans un modèle de dystrophie musculaire de Duchenne

Article d’origine de Duke University

Des chercheurs de l’Université Duke ont montré qu’en utilisant la technologie d’édition du génome, CRISPR peut corriger de manière sûre et stable une maladie génétique comme la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD). L’étude paraît dans la revue Nature Medicine. Liens ici

CRISPR/Cas9 est de loin la technique la plus efficace pour corriger des défauts de l’ADN. Il s’agit d’un genre de kit moléculaire, permettant d’aller faire du « couper-coller » dans l’ADN des êtres vivants.

 

Comment fonctionne CRISPR ?

Cela fonctionne essentiellement de la manière suivante :

  • CRISPR est un type de séquence génétique se trouvant naturellement dans certains organismes, dont des virus. Elle est capable de reconnaître une séquence bien précise du génome, c’est-à-dire, d’aller directement à l’endroit où se trouve le défaut responsable de la maladie.
  • Cas9 fait office de « ciseau » et permet de « couper » dans l’ADN à un endroit précis, c’est-à-dire, là où on doit agir.
  • De là, on pourra soit retirer une mutation génétique ou bien insérer un correctif pour le gène défectueux.
  • Grâce à ses mécanismes de réparation de l’ADN, la cellule « recollera » naturellement les bouts.

 

Les dernières recherches de Gersbach

En 2016, Charles Gersbach, Professeur associé de génie biomédical de la famille Rooney à l’Université Duke, était parmi les premiers à publier des résultats positifs à l’effet que la technique CRISPR était susceptible de se traduire en thérapie humaine. Depuis, de nombreux autres exemples ont été publiés et plusieurs thérapies d’édition du génome ciblant des maladies humaines sont actuellement en cours d’essais cliniques et d’autres suivront.

Les dernières recherches de Gersbach portent sur un modèle DMD animal incapable de produire de la dystrophine.

Cause génétique de la DMD

La dystrophine est codée par un gène contenant 79 exons, responsable de produire une protéine, appelée dystrophine. Si un ou plusieurs exons sont perturbés ou supprimés par une mutation génétique, la chaîne ne se construit pas, ce qui amène le muscle à se détériorer lentement. La plupart des patients sont en fauteuil roulant avant l’âge de 10 ans et ne vivent pas au-delà de la vingtaine ou au début de la trentaine.

CRISPR pour la DMD

Gersbach travaille depuis 2009 sur de possibles traitements génétiques pour la dystrophie musculaire de Duchenne. Son laboratoire a été l’un des premiers à regarder du côté de CRISPR/Cas9. On fait appel à CRISPR/Cas9 pour couper dans le gène de la dystrophine autour des exons responsables de la mutation génétique qui causent la DMD. Ensuite, le système naturel de réparation de l’ADN du corps recolle le gène ayant été préalablement coupé, pour créer une version abrégée du gène de la dystrophine.

 

« Alors que nous continuons à travailler pour développer des thérapies génétiques basées sur CRISPR, il est essentiel de tester nos hypothèses et d’évaluer rigoureusement tous les aspects de cette approche. Le but de nos expériences est de tester certaines idées discutées dans le domaine, ce qui nous aidera à comprendre le potentiel de CRISPR pour le traitement des maladies génétiques en général et de la dystrophie musculaire de Duchenne en particulier. Cela inclut le suivi de la durabilité à long terme des réponses immunitaires potentielles contre la protéine bactérienne Cas9 ». – Charles Gersbach

 

« Il est largement admis que l’édition de gènes conduit à une correction génétique permanente. Cependant, il est important d’explorer les possibilités théoriques qui pourraient entraver les effets de l’édition de gènes, telles que la perte de cellules traitées ou une réponse immunitaire non souhaitée. » – Charles Gersbach

 

Le but de cette nouvelle étude

Le but de cette nouvelle étude est d’explorer les facteurs susceptibles de modifier les effets à long terme de l’édition génique basée sur CRISPR/Cas9.

Une dose unique du traitement CRISPR a été administrée par voie intraveineuse à des souris adultes et des nouveau-nés porteurs d’un gène défectueux de la dystrophine. L’année suivante, les chercheurs ont mesuré combien de cellules musculaires avaient été éditées avec succès et quels types de modifications génétiques avaient été apportés, ainsi que la possibilité d’une réaction immunitaire contre la protéine bactérienne CRISPR, Cas9, qui agit comme le « ciseau » qui effectue les coupes dans le gène.

Une réaction immunitaire contre CRISPR

D’autres études ont montré que le système immunitaire de la souris peut générer une réponse à Cas9, susceptible d’interférer avec les avantages des thérapies CRISPR. Plusieurs groupes ont également signalé que certaines personnes avaient déjà une immunité contre les protéines Cas9.

 

« La réaction immunitaire n’a pas empêché la thérapie de modifier le gène de la dystrophine et de produire avec succès une expression protéique à long terme. » – Christopher Nelson, boursier postdoctoral dans le laboratoire de Gersbach.

 

Certains résultats suggèrent des approches pour faire face aux défis potentiels. Lorsque des souris de deux jours n’ayant pas de système immunitaire pleinement développé sont traitées par voie intraveineuse, aucune réaction immunitaire n’est détectée. L’édition du génome par CRISPR est restée stable et, dans certains cas, même renforcée en un an. Nous pourrions imaginer que d’administrer la thérapie aux nourrissons serait une méthode permettant de contourner une réaction immunitaire indésirable.

Le système immunitaire de la souris fonctionne différemment du système immunitaire humain. Le dépistage de la DMD chez les nouveau-nés n’est pas encore très répandu ; la plupart des diagnostics de DMD surviennent lorsque les enfants ont entre trois et cinq ans. La suppression du système immunitaire pendant le traitement pourrait être une approche.

 

« Nous avons été heureux de constater que toutes les souris se portaient bien un an après le traitement, mais nos résultats montrent qu’il faut mettre davantage l’accent sur la réponse immunitaire à mesure que nous nous dirigeons vers des modèles animaux plus grands » – Christopher Nelson

 

Nelson a utilisé une approche de séquençage de l’ADN pour cartographier de manière exhaustive toutes les modifications survenant dans le gène de la dystrophine. Fait surprenant, de nombreuses modifications se sont effectués en plus de l’élimination prévue de l’exon ciblé, notamment un niveau élevé d’insertion de séquences d’ADN.

 

« Aucune de ces modifications n’est particulièrement préoccupante dans ce cas, car le gène de la dystrophine est déjà défectueux. Cela étant dit, tout résultat imprévu pourrait potentiellement nuire à l’efficacité de l’édition de gènes que vous essayez d’atteindre, ce qui confirme l’importance de concevoir des moyens d’identifier et d’atténuer objectivement les modifications non prévues dans les études futures. À l’avenir, ce phénomène doit être surveillé de près et mieux compris. Les méthodes qui évitent ces modifications non prévues et augmentent la fréquence des modifications prévues seront importantes pour maximiser le potentiel de l’édition du génome pour traiter une maladie. » – Christopher Nelson

 

Une voie encourageante dans la lutte contre la DMD

La dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) est le résultat d’une erreur dans la “transcription” du gène responsable de produire la dystrophine. Chez les enfants atteints de la DMD, le gène de la dystrophine est corrompu — il contient une défectuosité génétique (une mutation). Le gène est si mal rédigé que la machinerie cellulaire ne peut lire l’instruction génétique servant à produire la dystrophine, une protéine essentielle au bon fonctionnement des muscles.

Des chercheurs utilisent CRISPR-Cas9 pour enlever la partie corrompue du gène. Effacer l’élément illisible d’une section d’ADN peut restaurer la fabrication de dystrophine.

Les chercheurs ont trouvé un moyen de transporter ce kit moléculaire à bord de virus ayant une attirance particulière pour les cellules musculaires. Ils ont injecté leur mixture à des souris malades qui ne pouvaient synthétiser de dystrophine. Au bout de quelques semaines, les muscles de ces rongeurs se sont mis à produire de la dystrophine.

Génial, c’est le moins qu’on puisse dire !

Sources :

 

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